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Thimbleweed Park

Entretien avec Ron Gilbert

Tandis que l'aventure Thimbleweed Park approche à grands pas (le 30 mars), nous avons rencontré un des grands noms de l'industrie du jeu vidéo : Ron Gilbert.

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Ron Gilbert s'est fait un nom lors de son passage chez LucasArts, une époque durant laquelle il a notamment dirigé et écrit Maniac Mansion ou encore The Secret of Monkey Island. Ces dernières années, il nous a proposé des jeux comme DeathSpank et The Cave avant de retrouver plus récemment le co-créateur de Maniac Mansion, Gary Winnick. Une nouvelle collaboration qui a donné naissance à Thimbleweed Park.

Nous avons récemment rencontré Ron Gilbert à Berlin. Il se livre sans concession :

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Gamereactor : Vous avez beaucoup d'admirateurs à travers le monde, comment gérez-vous leurs attentes ? Est-ce une préoccupation pour vous ?

Ron Gilbert: Je n'ai pas vraiment de retour négatif en termes d'attentes de la part des fans. La seule chose c'est probablement que, parce que je suis connu pour Monkey Island, beaucoup de gens me demandent sans cesse: "Eh bien, allez-vous faire un autre Monkey Island ?" Et moi j'aime faire de nouvelles choses, j'aime faire des jeux différents et parfois, j'ai l'impression que les gens sont resté bloqués sur Monkey Island. C'est tout ce qu'ils veulent que je fasse, c'est comme si ils voulaient m'en enfermer dans une pièce, m'attacher au lit et me dire : « fait un Monkey Island rien que pour moi! » Mais j'aime faire des choses différentes, j'ai fait toutes sortes de jeux différents au cours de ma carrière. Et Bien que Thimbleweed Park soit un jeu d'aventure point and click et a beaucoup de similitudes avec Monkey Island, c'est un jeu très différent, c'est une histoire très différente, avec des personnages très différents. Et moi ça me plait.

GR : Donc pour vous, ce n'est pas comme si vous voyagiez dans le temps, retour en 1987 afin de créer aujourd'hui le jeu que vous n'aviez pas pu faire à l'époque ?
RG: Pas du point de vue créatif. Je veux dire bien sûr, vous avez vu le jeu et techniquement, nous n'aurions pas pu faire ce jeu, en raison de l'éclairage et la parallaxe en temps réel ou la musique numérique. Donc tout ça nous n'aurions évidemment pas pu le faire à l'époque. Mais il n'y a rien d'un point de vu créatif dans le jeu que nous n'aurions pas pu faire à l'époque.

Je pense qu'au fil des ans, je regarde ce que j'ai fait en termes de design et j'ai l'impression d'être un designer un peu plus sombre. C'est comme si je m'intéressais à des histoires avec un côté un peu plus sombre, un peu plus profonde, un peu plus riche, contrairement à Monkey Island qui est plutôt un cartoon. Je suis plus intéressé par des jeux comme Thimbleweed Park où il se passe des choses étranges, ou j'ai fait The Cave avec des personnages vraiment abimés par la vie et je pense que ce genre de choses m'intéresse probablement plus, juste parce que je suis plus âgé aujourd'hui

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GR : Quand on vieillit on devient plus sérieux, mais on peut aussi devenir plus ennuyeux...
RG: (rires) Ouais, l'idée est d'être plus sophistiqué mais sans être ennuyeux. C'est le but. Si vous regardez des gens qui font des dessins animés pour vivre, comme Rick et Morty, que j'aime beaucoup, oui c'est un dessin animé, mais c'est très sophistiqué, il y a côté noir dans tout ça, des choses sinistres, étranges... Je pense que c'est juste le genre de choses que vous voulez faire quand ... pas uniquement lorsque vous vieillissez mais aussi quand vous avez plus d'expérience.

GR : C'est aussi un vrai cadeau pour pouvoir continuer à faire ce que vous aimez le plus longtemps possible et vieillir avec ça...
RG: Je pense que c'est vrai. Vous regardez les gens qui font des films. Un des meilleurs films que j'ai vu ces dernières années est le dernier Mad Max. C'est un film incroyable. Et George Miller, le réalisateur, il a 86 ans ! Et c'est l'un des meilleurs films d'action que j'ai jamais vu. Je pense que certaines personnes ne vieillissent pas, ils deviennent juste meilleur dans ce qu'ils font.

GR : C'est le parfait exemple. 80 pour cent des gens qui ont vu le film ne savent probablement pas qu'il est si vieux. Peut-être même plus.
RG: C'est un film incroyable c'est tout simplement novateur. Si vous regardez la façon dont il met en scène les coups de feu et toute cette action. Et si vous regardez des réalisateurs de films d'action plus modernes et plus jeunes et bien à certains égards je pense que George Miller leur a donné une leçon : il leur a montrer comment on fait un film d'action !

GR : Y a-t-il des jeunes qui vous conseillent, qui vous poussent dans de nouvelles directions, en dehors de Jenn (Sandercock, concepteur de jeu) ?
RG: Oui, bien sûr, il y a beaucoup de gens dans notre équipe. Il y a des gens comme Gary et David ou Mark Ferrari et le personnel qui gravite autour des projets Lucas. Il y a Jenn qui fait de la programmation et Octavi, notre animateur, il a n'a probablement pas 30 ans... Donc, il y a beaucoup de jeunes gens qui nous aident et je pense que nous en avons besoin. Pour George Miller et Mad Max, je pense que c'était sa vision. Il y avait certainement des gens plus jeunes qui travaillent avec lui, mais l'action est vraiment originale et elle est très semblable à celle du film Mad Max original et du second film, on voit bien son style dans tous ces films y compris le dernier. Je crois donc vraiment c'était sa vision, qu'il voulait nous proposer ce genre d'action et de cascades.

GR : Que pensez-vous de la nouvelle technologie, 4K et autres? Est-ce quelque chose d'important pour vos jeux ?
RG: Parfois. J'aime la HD, mais je ne sais pas pour la 4K. Je me demande si la 4K intéresse tant les gens que ça. LA HD, cependant est génial comparé à la norme NTSC ou PAL. Les nouvelles technologiques m'intéressent vraiment. Je veux dire, même avec ce jeu, c'est entièrement du pixel art, mais on utilise tout le matériel, les shaders, l'éclairage en temps réel, tout cela est très intéressant pour moi. Nous avons utilisé la technologie très moderne pour un jeu comme Thimbleweed Park, pour en faire un jeu qui ressemble à celui de vos souvenirs. Nous utilisons la technologie pour progresser.

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GR : Êtes-vous intéressé par les jeux VR ?
RG: La réalité virtuelle me donne mal au cœur, donc ce n'est pas quelque chose que je fais. Je ne me souviens pas de la stat, mais je crois que la VR rend malade les deux tiers des joueurs. Et c'est mon cas. J'ai pensé Thimbleweed Park comme un VR, mais pas un VR standard. Dans le jeu, nous avons toutes ces couches qui défilent en temps réel, de gauche à droite. Je pensais que ce serait vraiment amusant de pouvoir jouer au jeu en VR. Mais ce n'est pas comme si vous parcourez un monde en 3D, c'est juste que vous voyez toutes ces couches parallaxées en profondeur réelle. Nous avons fait un genre de 2D VR.

GR : Envisagez-vous de travailler avec pour la Nintendo Switch ?
RG: Nous allons être sur la Xbox One au moment du lancement car Microsoft a une exclusivité de trois mois pour sa console. Dès que cette période est terminée, nous allons le sortir sur la PlayStation 4, et j'aimerais qu'il soit aussi disponible sur la nouvelle console Nintendo. Nintendo ne travaille pas beaucoup avec les petits développeurs et les éditeurs - ils aiment travailler avec les grands éditeurs amis depuis un an environ ils font appels aux plus petits. Nous sommes en discussion avec eux et nous aimerions vraiment sortir notre jeu dès que possible sur la Switch.

GR : Nous savons que votre expérience antérieure avec Nintendo a été un peu délicate car la version pour NES de Maniac Mansion a dû être censurée en raison de sa brutalité, des dialogues et des connotations sexuelles. Est-il difficile de répondre à leurs exigences ?
RG: Ce n'est pas moi qui ai géré la censure d'une partie du contenu, mais j'ai assisté à tout le processus. Doug Crockford était le producteur, alors c'était lui qui faisait l'interface avec Nintendo. Il revenait ensuite vers nous et disait : « bon, nous devons nous débarrasser de cette statue dans le couloir, parce qu'elle est nue». Nous répondions : "Quoi ?! Mais c'est une statue... vraiment ?!" Et oui, c'était une vraie prise de tête à l'époque...

GR : Est-ce que Nintendo a la même attitude aujourd'hui ?
RG: Pas de la même façon. Nous avons mis The Cave sur Nintendo - et ils ne se souciaient de rien du tout, en fait. Ils sont beaucoup plus ouverts.

GR : Lorsque vous jouez à Thimbleweed Park maintenant, à la démo à laquelle nous venons de jouer ensemble, notez-vous des erreurs dans le jeu ?
RG: Il y a beaucoup d'erreurs en effet. Mais arrive à moment où vous les ignorez. Pour chaque jeu que j'ai fait, à chaque image je pourrais trouver des erreurs.

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GR : Mais cela n'a-t-il pas changé au fil des ans ? Il y a 20 ans, vous ne pouviez pas vraiment réparer ces erreurs. Aujourd'hui, vous pouvez changer chaque petite erreur...
RG: Pas si vous voulez sortir le jeu. Et est-ce vraiment important ? Je suppose que tout peut être amélioré mais on y passera des mois. Et vous ne réparerez jamais toutes les erreurs, même pas en y passant un an. Et personne ne les remarque vraiment, ou alors pendant une fraction de seconde. Vous devez passer à autre chose. Avez-vous vu des erreurs en jouant ?

GR : Un de vos projets inédits, Bobo et Fletcher, aurait dû être publié dans des épisodes - pouvez-vous nous en dire un peu plus? Êtes-vous triste que Telltale a utilisé la même idée et est devenu très réussi à le faire ?
RG: J'ai conçu ce jeu à la fin des années 90. Il était destiné à être un jeu d'aventure épisodique et nous n'avons jamais vraiment mis en production, mais j'avais un peu cartographié l'histoire et tous les épisodes. Je pense qu'il était trop tôt pour une sortie épisodique parce que l'Internet n'était pas vraiment un mécanisme de distribution. Nous avions littéralement pensé à envoyer les épisodes comme des CD aux gens. L'idée était dix ans en avance sur son temps, donc il ne devait pas être. Bobo et Fletcher, je suis surpris que quelqu'un s'en souvienne...

GR: Un de vos projets inédits, Bobo et Fletcher, devait sortir sous forme d'épisodes - pouvez-vous nous en dire un peu plus ? Êtes-vous contrarié par le fait que Telltale ait eu la même idée et qu'ils aient connu le succès ?
RG: J'ai conçu ce jeu à la fin des années 90. Il était destiné à être un jeu d'aventure sous forme d'épisodes et nous n'avons jamais vraiment lancé la production, mais j'avais un peu cartographié l'histoire et tous les épisodes. Je pense que c'était trop tôt pour une sortie sous forme d'épisode parce qu''Internet n'était pas encore vraiment un mécanisme de distribution. Nous avions même pensé à envoyer les épisodes aux gens sur CD. L'idée avait dix ans d'avance, donc ça n'a pas pu se faire. Bobo et Fletcher... j'avoue que je suis surpris que quelqu'un s'en souvienne.

GR : Reparlons des idées. Nous savons que vous n'aimez pas à dire aux gens votre secret quand il s'agit de concevoir des énigmes et de puzzles, mais pouvez-vous nous donner une idée du processus de réflexion qu'il y a derrière chaque énigme ?
RG: Lors que l'on conçoit des énigmes il y a trois composants qui sont très entremêlés. Il y a le monde, le lieu et l'histoire se passe et puis il y a les énigmes. Ces trois choses doivent être cohérentes. Dans certains jeux d'aventure ce que je n'aime pas trop c'est qu'il y a l'histoire d'un côté et les énigmes de l'autre. Les deux semblent être complètement déconnectés, alors que les énigmes doivent vraiment permettre de faire progresser l'histoire.

C'est un processus très, très répétitif lorsque nous créons des énigmes, on fait des essais puis on arrive à un moment à trouver ce qui va permettre de connecter le monde, l'histoire et les énigmes.

GR : Avez-vous un catalogue de puzzles ou d'énigmes dans votre cerveau? Parce que si vous nous demandiez de trouver un casse-tête, nous ne pourrions pas vous y arrivez là tout de suite ...
RG: Je n'ai pas vraiment de catalogue. Je pense qu'il y a essentiellement sept énigmes dans un jeu d'aventure - seulement sept. Mais l'important c'est de définir le thème. C'est essentiellement une serrure, une clé et une porte. Il suffit de penser se projeter, d'imaginer que dans ce cas-là la clé va être une carte que vous devez trouver et la porte est un shérif ne pas vous laissera pas entrer dans le monde. Nous pensons à des puzzles à ce niveau, c'est au départ rudimentaire, puis il s'agit simplement de trouver le bon thème pour qu'ils soient tous différents.

GR : Lorsque vous essayez de vous endormir et que vous avez une idée, vous relevez-vous pour l'écrire?
RG: Non, je reste au lit pendant deux heures, je me retourne et je pense à mon idée et alors je ne dors pas suffisamment en général. C'est la façon dont ça marche pour moi, j'ai tendance à ne pas écrire des choses et je me dis que si je ne m'en souviens pas le lendemain matin, c'est que ce n'était probablement pas une très bonne idée...

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Thimbleweed Park est attendu le 30 mars prochain, uniquement sur PC et Xbox One dans un premier temps.

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